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Atelier des journalistes sur fond du coup d’état au Mali

Les militaires prennent le pouvoir à Bamako

Les chances pour que l’élection présidentielle au Mali se déroule de façon démocratique étaient bonnes. Après deux mandats, le président Amadou Toumani Touré n’avait même pas essayé de se porter de nouveau candidat. C’est environ cinq semaines avant la présidentielle que notre séminaire a commencé. Il portait sur la formation de journalistes radio pour la couverture du scrutin.

Depuis plusieurs années déjà, le Mali brille par la diversité et la liberté de sa presse. Nos participants n’ont d’ailleurs pas hésité à bousculer les différents représentants des partis politiques venus se faire interviewer pendant notre séminaire. Ils ont toujours essayé de les faire parler, de poser des questions critiques. Ils ne se sont pas laissé berner par la langue de bois que les hommes politiques affectionnent tant. Mais ils ont aussi su écouter l’homme de la rue : ils sont allés dans les universités. Ils ont interrogé des artisans et des jeunes chômeurs pour savoir ce qu’ils attendaient de la présidentielle.

Ecouter le peuple

Donner la parole aux citoyens normaux

Pour beaucoup de Maliens cependant, le sujet numéro un était la crise dans le nord du pays. Depuis la mi-janvier, des rebelles touaregs ont multiplié les attaques dans différents camps militaires. Les Touaregs réclament leur indépendance – après la chute de Mouammar Kadhafi, nombre d’entre eux sont rentrés de Libye, lourdement armés. Les insurgés n’ont rencontré que peu de résistance de la part des soldats de l’armée régulière. Il y a quelques semaines ils ont réussi à prendre l’importante base militaire de Tessalit. C’est à ce moment-là que l’insatisfaction a commencé à grandir au sein de l’armée. Cela dit, si ces affrontements assombrissaient assurément l’élection, la tenue du scrutin ne semblait pas encore devoir être remis en cause.

 

En quoi le conflit dans le nord influence-t-il l’élection ? C’est la question que nos participants sont allés poser à des Maliens dans la rue pour un micro-trottoir.

Les militaires prennent le pouvoir

Et puis vint la mauvaise surprise. Juste au moment où nous voulions commencer à produire les reportages, la panique a éclaté dans l’hôtel où se déroulait le séminaire – les soldats s’étaient emparés de l’ORTM, la télévision d’Etat. Peu après, nous avons entendu des coups de feu. Plus moyen de penser au travail. Nous avons dû interrompre notre séminaire.

Les tirs ont continué toute la nuit dans les rues de Bamako, à proximité de la télévision nationale et du palais présidentiel. Le gouvernement militaire a décrété un couvre-feu et ce n’est que deux jours après le putsch que nous avons de nouveau pu sortir. A la fin de la semaine, la situation s’étant relativement calmée, nous avons décidé de réunir une dernière fois les participants pour clore le séminaire.

Les reportages que nous avons montés lors de cette journée n’avaient entre temps plus rien d’actuel : les attentes électorales des étudiants et des professeurs, le démarrage précoce de la campagne électorale – autant de sujets qui étaient désormais dépassés. Les participants ont tout de même tenu à aller jusqu’au bout, histoire de ne pas perdre un travail de plusieurs jours. Mais de nouveau, nous avons dû interrompre brutalement notre séance – des militaires s’étaient rassemblés non loin de l’hôtel où nous nous trouvions.

Bamako dans le chaos

Insécurité et chaos ont marqué les jours suivants : les frontières maliennes ont été fermées, des bruits courraient concernant des réserves insuffisantes en essence et en eau ; Il n’y avait plus d’électricité. Pendant une semaine, impossible de savoir ce qui allait se passer. Le 30 mars, j’ai finalement pu prendre un avion pour rentrer. Mon collègue Martin Vogl (Martin sur Twitter) est resté au Mali. Il est correspondant de la BBC et de l’AP à Bamako. Après avoir longtemps pesé le pour et le contre, il a finalement décidé de rester pour continuer à informer.

Les rebelles Tuaregs ont proclamé l'indépendance de l'Azawad

Peu importe la façon dont la situation va maintenant évoluer. Ce coup d’Etat est une catastrophe pour un pays qui pendant plus de 20 ans a été gouverné de manière relativement démocratique. Avec la prise de pouvoir des militaires, le Mali perd des années de précieux développement ; parallèlement les rebelles ont déclaré l’indépendance (6. Avril 2012) des territoires qu’ils ont conquises. Toutes mes pensées vont à nos participants et aux nombreux Maliens que j’ai rencontrés durant ces trois semaines. J’espère que la situation va s’améliorer le plus vite que possible.

 

Auteur: Christine Harjes
Traduction: Konstanze von Kotze

Date

Friday 2012-04-06

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